jeudi 21 novembre 2019

Navigation vers le Minerva Reef

Jeudi 7 novembre : réveil 6h pour partir tôt de l'Ouest de Tongatapu. Julien compte sur une moyenne de 8 kt (optimiste ?) pour arriver au Minerva Reef demain avant la nuit.
Euh ... il y a une grosse barre noire sur l'horizon qui vient vers nous ... on attend que ça passe ? On s'accorde le temps de la réflexion en petit déjeunant. Il bruine mais le vent reste faible ... allez, on y va !
7 h : appareillage.

La grand-voile est hissée face au vent dans le lagon : comment se fait -il qu'il vienne du Nord Est le vent ? Il est prévu Est-Sud-Est ! On se dégage des récifs au moteur,
n
 le vent est plein arrière ! Grand spi ou petit spi ? Les gros nuages gris nous font hésiter un moment : le vent reste stable vers 15 k ... allez on hisse le grand spi, et on surveille !!

Derniers messages sur internet pendant qu'on est assez prêt des côtes. Prochaine connexion : en Nouvelle Zélande dans ... 10 à 20 jours !
8h30 : le vent s'oriente mieux mais il est encore instable, gêné par l'île (pourtant basse) de Tongatapu. La vitesse oscille entre 5 et 8 kt. La mer est encore calme pour l'instant mais le vent est irrégulier, en force et direction : Julien râle (je ne râle pas, je manifeste mon mécontentement...) !
Violette est tranquille dans le carré, Lilas dort encore.
Je profite du calme pour fignoler les coutures d'une des bâches qui protègent le carré.
8h45 : 3 à 5 kt de vent seulement ... nous descendons la chaussette du spi qui ne se gonfle plus et on allume le moteur. C'est la loose !
Violette ne coupe pas à l'école mais n'y met pas de la bonne volonté. Grrr !!
11h00 : Julien craque et descend la grand-voile (qui ne sert pas à grand chose sans vent et qui se ballade). Le soleil est revenu ... on attend le vent maintenant ! Je fais du pain et des gâteaux au chocolat (essentiels pour garder le moral !) et je lance une machine à laver.
11h25 : 7/8 kt de vent ... allez, on tente le spi ... il tient ! Notre moyenne n'est pas glorieuse pour l'instant. On se traîne à 3/4 kt !
12h45 : le vent revient pendant le repas. Julien hisse la grand-voile au complet. Avec le spi, on avance enfin : 7, 8, 9 kt !! Enfin !! Arriverons nous de jour à Minerva Reef demain, telle est la question ?
Lilas joue à la wii, Violette fait la sieste dans le cockpit et moi, je déguste un gâteau au chocolat avec mon thé. Maintenant qu'on avance, Julien a le sourire et part occuper son poste préféré : à la pointe avant.


16h00 : il reste 200 M à parcourir pour arriver au Minerva Reef ... allez, on visualise un vent constant et une arrivée de jour ! Nous subissons une énorme houle de travers mais Lotus glisse sans faiblir sur les flots. Pas (encore) de poissons mais on y croit ! Julien est passé sur la jupe arrière ("sugar scoop" en anglais : c'est grâce à Zimovia que l'on sait ça !).

17h30 : POISSON !! Cela faisait un moment que je voyais des oiseaux autour de nous. Nous n'avons mis que la ligne de traîne donc pas besoin de ralentir. Julien remonte la ligne avec les gants : pas si facile à 8 kt. C'est un beau thon : le plus gros qu'on ait réussi à pêcher ! Plus de 10 kg ! Il occupera Julien un bon moment avant de finir en filets.
Le vent est toujours Est-Nord-Est au lieu du Est-Sud-Est annoncé ... dur de tenir le cap avec la grand-voile.
Au repas du soir, poisson et restes variés.
Je commence le quart jusqu'à 21h ; Julien prend la suite jusqu'à minuit. Entre le spi qui se dégonfle parce qu'il est déventé par la grand-voile et celle-ci qui bat car le vent est trop arrière, je n'ai franchement pas bien dormi. Le vent ne veut pas tourner, autant se faire une raison : on affale la grand-voile et on met un cap direct, avec seulement le spi. Nous avançons à 7 kt environ avec 13/15 kt de vent ... pas assez pour espérer arriver de jour mais

en tout confort puisque plus rien ne claque ou ne bat.

Vendredi 8 novembre :
Minuit – 3h : RAS pendant mon quart. La lune est bien présente et la visibilité est bonne. Lilas vient me rejoindre dans le carré.
3h – 7h : le quart de Julien, RAS
8 h : il reste 95 M à parcourir ... arrivée de nuit donc. On verra si la lune éclairera assez pour qu'on tente l'entrée au Minerva Reef de nuit, sinon il faudra attendre le matin pour mouiller.

La journée passe doucement : nous ne mettons pas les lignes à l'eau car le congélateur est plein. Le vent n'est toujours pas décidé à s'orienter comme prévu. Il forcit doucement : 20 kt ...
on garde le spi. Le soleil se couche mais la lune éclaire bien. Nous arrivons à 12 M du Minerva Reef : on voit les lumières de mouillage d'une quinzaine de voiliers et nous contactons Appel d'air. Ils sont arrivés ce matin. La passe est étroite et pas conseillée de nuit.
Nous affalons le spi (difficilement : maintenant il y a 25 kt de vent !) et nous nous rapprochons de la passe vers 22h30 pour voir si c'est possible ... mais on ne voit rien à 0,2 M ... Allez, restons raisonnables : il faut se résoudre à passer la nuit à attendre. Ce n'est pas agréable mais il faut relativiser : c'est la première fois que ça nous arrive !
Nous faisons donc des aller-retour derrière le récif avec un tout petit bout de génois pour aller le plus lentement possible. L'abri est tout relatif car le Minerva Reef n'est qu'un récif circulaire de 3 M de diamètre dont la barrière de corail dépasse à peine.

Samedi 9 novembre
A 6h du matin, le jour est bien levé : nous nous avançons au moteur dans la passe. La carte Navionics est bien calée et en restant au milieu, nous passons tranquillement et rejoignons le calme du lagon (avec 25 à 30 kt de vent !). Il nous faut près de 40 minutes pour traverser et venir mouiller dans 3 m d'eau, à côté d'Appel d'air et Zimovia, pas mécontents d'être au calme ! Je compte
23 voiliers dans le lagon dont la plupart au Nord de notre position.



Vers 9h30, Cathy passe sur Lotus : Violette fait école, Julien dort, Lilas joue. Je repars avec elle (en laissant Julien dormir) : au programme, monter à bord de Zimovia qui va aller mouiller près de la passe. C'est l'occasion d'un joli snorkeling dans la passe et à l'extérieur du lagon. L'eau est frisquette : 22° "seulement" ! Garett a prévu une longue pique au cas où et elle servira à repousser deux requins gris qui cherchaient à nous intimider. Les poissons sont colorés et énormes ! Ce sont les poissons coralliens habituels mais en 3 fois plus gros ! Malgré une recherche poussée, Nicole ne trouvera pas de langoustes.

De retour au mouillage avec Zimovia (en dégustant au passage des "nachos" à l'américaine : des chips type tortillas avec des haricots rouges, des bouts de poulets et du fromage, quelques secondes au micro-ondes ... pas diététique mais très bon !), je rejoins Lotus.
L'après-midi, le vent souffle bien, les autres bateaux kitent ; Julien sort sa planche mais il n'arrivera pas à gréer sa voile : le système pour bloquer le mât se retourne et pas moyen de le remettre correctement. Dans la bataille, il fera un trou dans la voile ... et il jettera l'éponge. Pas de planche à voile aujourd'hui !
Il se consolera le soir : nous sommes invités sur Zimovia pour déguster des hamburgers faits maison (pain compris !) et on se régale. Luxe suprême (quand on considère qu'on est loin de tout, au milieu d'un atoll corallien) : chaque hamburger est garni de fromage, tomates et salade ! Et le dessert n'est pas en reste : brownie au chocolat (Zimovia), crème au caramel (Appel d'air) et gâteau bananes-chocolat (Lotus) ... On comprend mieux pourquoi on ne maigrit pas sur un bateau !
Chaque bateau fait le compte de ses réserves alimentaires : il y a certains produits que la Nouvelle Zélande ne tolère pas et qu'il faut avoir fini avant d'arriver sous peine de confiscation (et c'est quand même dommage !) :
- tous les produits frais (pas difficile de tout finir avant d'arriver)
- toute la viande à bord (ça devrait aller aussi) ; heureusement, le poisson est toléré car notre congélateur en est plein !
- les oeufs
- le maïs (pour le popcorn !)
- le miel (on l'a déjà tout mangé à bord de Lotus)
- les boîtes de conserve contenant de la viande genre cassoulet, raviolis, petit salé aux lentilles ... (enfin ça, on n'est pas tout à fait sûr)
- les pâtés, foies gras, saucisson ...
L'objectif est de ne rien gâcher 

La minute culturelle :
Les récifs de Minerva, territoire de la République de Minerva brièvement indépendante en 1972, sont un groupe de deux atolls issus de volcans sous-marins endormis dans l'océan Pacifique, au sud des îles Fidji et Tonga. Leur nom vient du baleinier Minerva parti de Sydney en 1829 qui s'est échoué 

sur le récif au sud.
La République de Minerva est l'une des rares tentatives modernes à fonder une micro nation souveraine en créant depuis ces récifs une île artificielle en 1972. L'architecte est Michael Oliver, promoteur immobilier millionnaire à Las Vegas, qui fera d'autres tentatives au cours de la décennie suivante. Il forme un syndicat, Ocean Life Research Foundation, qui réunit cent millions de dollars pour le projet et a des bureaux à New York et à Londres. Il prévoit de fonder une société libertarienne « sans impôts, assistance, subvention ou n'importe quelle forme d'interventionnisme ». Outre le tourisme et la pêche, la nouvelle économie consisterait en industrie légère et du commerce.
En 1971, des barges chargées de sable arrivent en provenance d'Australie, ce qui porte le niveau de récif au-dessus de l'eau et permet la construction d'une petite tour où flotte le drapeau de l'état. La République de Minerva déclare son indépendance le 19 janvier 1972, adresse des courriers aux pays voisins et émet sa propre monnaie. En février, Morris C. Davis est élu provisoirement président.
La déclaration d'indépendance est accueillie avec beaucoup de méfiance par d'autres pays de la région. Une conférence des États voisins (Australie, Nouvelle-Zélande, Tonga, Fidji, Nauru, Samoa et le territoire des Îles Cook) se tient en 1972 ; durant celle-ci, Tonga réclame les récifs de Minerva, ce à quoi consentent les autres pays. Une expédition des Tonga vient appuyer cette réclamation et enlève le drapeau de la République. En 1982, un groupe d'Américains mené de nouveau par Morris Davis essaie d'occuper les récifs, mais est expulsé par les troupes de Tonga après trois semaines. Au cours des dernières années, plusieurs groupes auraient cherché à rétablir la république. 

Ces récifs inhabités, qui dépassent à peine de l'eau, sont aujourd'hui encore très convoités et sources de conflit entre Tonga et Fidji.

Dimanche, le vent s'est un peu calmé : l'occasion de faire voler le drone dans ce paysage fabuleux. On en prend plein les yeux avec toutes ces nuances de bleu. Après l'école du matin, et le sport avec Cathy, Julien et moi allons faire un tour sur le platier.

La journée se termine par un repas commun sur Lotus : Appel d'air fournit la plancha pour une

dégustation de thon accompagné de diverses salades. Nous sommes 18 à bord : 10 adultes (Appel d'air, Zimovia, Slingshot et nous) et 8 enfants ! Nous finissons la soirée repus (chaque bateau avait amené un gâteau en dessert !) et sous la pluie (heureusement, les toiles bleues offrent une protection correcte contre la pluie !
Le lendemain, c'est lundi 11 novembre. La marseillaise retentit à bord ! Non la Marine ne me manque pas : c'est Lilas, qui a adopté cette chanson (enregistrée par Violette au premier module du CNED) pour nous prévenir qu'elle a fini la grosse commission aux toilettes et qu'elle apprécierait qu'on vienne l'aider ...










Le matin, comme la nuit, est pluvieux : nous récupérons une centaine de litres d'eau et Julien en profite pour briquer le cockpit.
L'après-midi est ensoleillé ; après un tour sur le platier pour que les filles se défoulent, nous continuons à briquer, mais sous l'eau cette fois.






Pendant ce temps, Appel d'air est venu se mettre à couple de Zimovia : ils veulent tous les deux un cata, eh bien c'est fait ! En fait, Appel d'air doit aussi briquer sa coque et leur quille qui plonge à 2,10 m est dure à frotter en apnée.
Heureusement, Zimovia a un petit compresseur à bord qui alimente un tuyau de plongée.
Le soir, c'est réunion à bord du catamaran expérimental ! Nous dégustons des crêpes bretonnes préparés par Seb et cuisinées sur la plancha. Zimovia n'est pas en reste car Nicole a pêché une denrée rare : 3 langoustes !! Encore une bonne soirée !
L'étude de la météo n'est pas concluante : sur le parcours, il y a une grosse bulle sans vent qui nous obligerait à faire beaucoup de moteur ! Et de jour en jour, elle se déplace, grandit ... Zimovia songe à partir mardi dans la journée, faire du moteur ne le dérangeant pas du tout. Pour nous ... il faudra prendre une nouvelle météo plus tard.

Zimovia est parti mardi 12 novembre dans la matinée. Nous restons encore un peu : grattage de coques, école, balade sur le platier, apéro avec Appel d'air ... le départ se profile même si la météo nous promet une "bulle" de pétole sur le trajet. Nous n'allons pas attendre une météo "parfaite" et celle qui se profile paraît au moins sans danger.
Minerva Reef est la dernière escale "tropicale" même si la température de l'eau est redescendue à 23/24 degrés (heureusement, près du platier, elle est encore à 26/27 degrés). Nous savourons les derniers instants les yeux dans les dégradés de bleus. La Nouvelle Zélande sera une escale différente : plus axée sur la terre que sur la baignade (parce qu'il faudra l'envisager avec combinaison !). La fin du voyage ? Peut-être ...
Allez, voilà le Minerva Reef en film pour ceux qui en veulent plus :




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