mardi 8 octobre 2019

Journal de bord de notre traversée de Tahaa vers les Tonga !


Samedi 28 septembre, 17h45, Lotus et son équipage quittent la Polynésie, direction les Tonga à environ 1400 milles nautiques. Nous avons profité jusqu'au bout de nos amis sur Fakarêver et le départ est difficile mais la suite du voyage nous attend. Une dernière baignade, derniers préparatifs et c'est parti, au coucher du soleil.

Nous avons laissé Appel d'Air partir devant ... mais pas de beaucoup !

Julien a préparé le genaker. La grand-voile est hissée au mouillage et ne nous servira pas au début puisque nous aurons le vent dans le nez jusqu'à la passe. Nous sortons du lagon de Tahaa à la voile, à 8 kt, avec le génois parce qu'il y a un effet venturi entre les 2 îles et ça souffle !
Bon, le vent retombe aussitôt, Raiatea faisant un écran efficace. Nous remplaçons le génois par le genaker : 7/10 kt de vent, plutôt arrière, la grand-voile se ballade et nous nous traînons à 2/3 kt. Heureusement, ça ne durera pas ! Appel d'air un peu devant, nous annonce le retour du vent : ils sont à 8 kt !

Ah oui, le vent se renforce et Lotus daigne enfin avancer entre 7 et 8 kt ! Tant mieux car la mer est bien agitée avec une petite houle hachée que nous prenons de travers. C'est bien le vent, mais là c'est presque un peu trop : 20 / 25 kt ... zut on est en limite pour le genaker ! 
Finalement, on le gardera encore jusqu'à 22h environ. Là je vais gratter le pied de Julien pour qu'il vienne m'aider à changer le genaker contre le génois parce qu'on est trop limite pour passer la nuit comme ça. On a bien fait : la nuit sera bien ventée avec des rafales à 30 kt et une grosse mer de 3/4 arrière. Le ciel se couvre ... : on est secoué ET mouillé maintenant ! Et comme ça vient de l'arrière, le cockpit est trempé ! La plaisance, c'est le pied !

Dimanche 29 septembre, 8h : ce matin, toujours du vent : la moyenne indiquée est de 7,5 kt pour l'instant, avec une pointe à 12,1 kt. La mer est forte, agitée et Lotus zigzague en surfant. Ça déménage un peu dans le bateau mais pas de casse. Dans la nuit, nous avons croisé le Paul Gauguin : on ne peut pas le rater !
Les filles dorment encore : Violette dans sa cabine, Lilas dans le carré où elle a m'a rejoint pendant la nuit. Vu l'état de la mer, ce n'est pas aujourd'hui que l'on fera école. 
Julien a mis la ligne de pêche à l'eau et récupère pendant que je surveille. Nous avons perdu Appel d'air, AIS et VHF, pendant la nuit. 
Ce n'est pas agréable ou confortable mais ça avance ! La météo nous prévoit une "molle" durant cette traversée : avec un peu de chance, elle ne sera pas si molle mais permettra à la mer de se calmer un peu. 
Le régime de bananes est bien arrimé et une 2ème banane se décide à mûrir. Chouette ! Pour passer le temps, lecture, écran, mots fléchés ... et tenue de ce "journal de bord".
Dans l'après-midi, nous passons au nord de Manuae, un atoll perdu au milieu de rien : si on n'avait pas dévié un peu, on aurait presque pu le percuter !
18 h : le point : environ 190 milles parcourus.

Lundi 30 septembre, 8h : toujours au génois et à la grand-voile, 1 ris. Le vent souffle toujours avec des rafales jusqu'à 28 kt. D'après Julien, ça s'est calmé ... mouais ... j'ai comme un doute ! 
Aucun bateau croisé.
Les 2 lignes de pêche sont à l'eau sans résultat jusque là. 
Hier soir, j'ai fait du pain et je comptais aussi faire des gâteaux au chocolat mais j'ai été arrêtée net dans mon élan : le groupe électrogène ne crache pas d'eau ! Zuuuut ! On coupe tout. Julien essaiera de le réamorcer en mettant de l'eau mais ça ne marchera pas. On a fini de cuire le pain à la poêle.
Aujourd'hui, Julien a donc du "pain" sur la planche : a priori il faut changer l'impeller.
Il s'y attellera dans l'après-midi, la mer ne se décidant toujours pas à se calmer. En démontant, il constate qu'effectivement l'impeller (changé en Espagne donc ça date !) est en miettes. Nettoyage, mise en place du nouveau, reste à remonter et .... tous les noms d'oiseaux y passeront : la vis vient de casser ! Il mettra presque 2 h à la sortir du trou où elle s'est cassée. Mais c'est un succès : le groupe électrogène est de nouveau fonctionnel !
Nous sommes sur le roof en train de discuter quand Lotus se prend une belle vague de côté, qui balaie tout le pont ... le capot au-dessus de notre lit était entrouvert ... ZUT ! Les draps et oreillers sont trempés et on peut dire merci à l'alaise : le matelas est sec !
Côté météo, le vent se renforce encore un peu : Julien prend le 2ème ris avant la nuit.
18h : le point : 184 milles parcourus.

Mardi 1er octobre :
Toujours 25 kt SE bien établi ce matin, et la mer qui va avec. Ça commence à bien faire de se faire secouer ! D'ailleurs le régime de bananes s'est décroché pendant la nuit !
La mer est 3/4 arrière et le bateau passe son temps à zigzaguer (génois et 1 ris à la GV). Vivement que ça se calme ! Toujours rien à l'horizon. Il reste un peu plus de 800 M à faire.
18h : le point : 175 milles parcourus


Mercredi 2 octobre :
Le vent s'est progressivement calmé pendant la nuit et ce matin, il n'y a plus que 10/15 kt et il est en train de passer Est. Vers 7h, nous affalons le petit spi pour mettre le grand et amenons la GV. Notre moyenne va en prendre un coup puisque le vent baisse en dessous de 10 kt, mais ça fait du bien un peu moins de vent. Il fait jour tôt : il va falloir qu'on change d'heure bientôt.
Vers 11h, la canne à pêche nous appelle : un belle daurade fait des bonds derrière. Comme souvent avec la canne à pêche : impossible de la remonter et elle finit par se décrocher. Julien fulmine.
L'après-midi, je récupère pendant que Julien fait un peu école à Violette. 
En fin d'après-midi, c'est douche sur la jupe et on fait tourner le groupe électrogène pour faire cuire le pain et tourner le dessal. Notre régime de bananes est à moitié mûr : il va falloir commencer à se régaler alors tant qu'à faire, je fais aussi un crumble pomme-bananes et une quiche pour ce soir.
Nous approchons d'un atoll perdu au milieu de rien : Palmerston. Nous passerons non loin en début de soirée, sans apercevoir quoi que ce soit.
18h : le point : 122 milles parcourus
Jeudi 3 octobre
Nuit très calme ! Comme on n'avance pas, on peut dormir pendant le quart : un tour d'horizon toutes les heures suffit pour assurer la sécurité. Le vent est bien tombé : entre 4 et 8 kt plein Est. Même avec notre nouveau spi plus grand, pas de miracle : on avance entre 2 et 4 kt. On ne fera pas de score encore aujourd'hui mais le temps est au beau fixe et la navigation est très agréable. La mer s'aplatit et je réussirai même à faire décoller le drone pour quelques jolies prises de vue de Lotus sous spi. Ne cherchez pas de sillage, il n'y en a pas à cette vitesse !


Violette quant à elle, fait encore un peu d'école aujourd'hui.
Dans l'après-midi, nous ralentissons encore : le vent tombe entre 2 et 5 n. Le spi peine à rester gonflé. On avance encore : entre 0,5 et 1,5 kt ! J'en connais beaucoup qui auraient craqué et démarré les moteurs ... mais Julien a des nerfs d'acier et il attend le vent !


Nous subissons donc la "molle" avec sérénité.
18h : le point : 76 milles parcourus ... franchement, je m'attendais à moins !
Actuellement, nous sommes à 0,5 kt, avec 3 à 5 kt de vent variable ... nous avons affalé le spi et mis le genaker. Un grand moment ... d'énervement pour Julien, l'enrouleur ayant décidé de faire des siennes. Nous serons obligés de l'affaler 3 fois en vrac, de le rehisser, de le dérouler, enrouler ... Julien fera de l'équilibre sur le bout dehors pour finalement réussir à l'installer correctement. 
Pour que l'équipage garde le moral, ce soir c'est repas crêpes !
On se pose la question quand même : moteur ou pas moteur ? Bah, on n'est pas pressé donc on va passer encore une nuit paisible.

Vendredi 4 octobre
Comme prévu, le vent a été absent cette nuit : nous avons quasiment fait du surplace ! 
Je suis réveillée ce matin par un bruit sourd : Julien est encore en train de s'énerver sur le genaker dont l'enrouleur fait encore des siennes. En s'y mettant à 2, on finit par réussir à bien l'enrouler et on le remplace par le génois et la grand-voile. Le vent reprend doucement : 6 à 10 kt mais plein Ouest !! ça ne nous arrange pas ça : on recommence à avancer mais pas vraiment au bon cap ! Il est prévu qu'il tourne Sud-Est ... mais il prend son temps ! Curieusement, on a déjà une belle houle qui nous remue. Enfin Lotus a repris de la vitesse et on navigue à 5 kt.
Je suis toujours sous nautamine et les journées sont longues ... lecture, mots fléchés, un peu d'écran, un peu d'école ... Les filles dispersent tous leurs jouets dans le cockpit : elles sont en forme elles et tant mieux.
Il reste environ 550 M à faire ... c'est long ! 
15 h : le temps s'assombrit et le vent forcit brusquement. Juste avant le grain, on décide de ranger le genaker dans la soute à voiles (on l'avait laissé en place jusque là). Le temps de l'affaler, de lover les bouts et de le ranger dans la soute à voile, il commence tout juste à pleuvoir. Nous essuierons quelques grains en fin d'après-midi.
Julien met un ris à la grand-voile : rafales à 25 kt. Il en rajoutera un deuxième avant la nuit et on roulera un peu de génois car les rafales montent souvent jusqu'à 30 kt ! Une vague est passée par dessus le bimini alors que je surveillais la mise en place de ce 2ème ris : trempage intégral ! Décidément, c'est tout ou rien pendant cette nav !
En relevant la ligne de traîne, on se rend compte qu'il n'y a plus rien : ni leurre, ni hameçon ...
18 h : le point : 57 M ... magnifique performance !

Samedi 5 octobre :
Nuit agitée : ça tape un peu sous la plate-forme ; j'ai migré dans la cabine de Lilas pour bien dormir. Le vent est toujours là, et s'oriente un peu plus Sud-Est. De 3/4 arrière, on avance moins bien mais pas moyen de mettre le genaker avec des rafales à 28 kt. Restent 420 M à parcourir ...
Julien a réparé la ligne de traîne ; à nous de la surveiller un peu plus.
Ce matin, activité cuisine pour moi : pain et pizza au menu. Nous commençons à congeler des bananes pour de futurs gâteaux (le mal de mer ne me donne pas envie d'en faire maintenant).
Vers 13h, je suis réveillée de ma sieste par du remue-ménage : Julien s'active sur la canne à pêche et la ligne de traîne a pris aussi. Je prends le relais sur la ligne de pêche. Pas sûre qu'il y ait encore un poisson au bout : ça tire, ça lâche, ça tire, ça lâche ... Au bout d'un moment, je vois des petits thons jaunes sauter à la poursuite de mon poulpe que je finirai par sortir de l'eau : l'hameçon a disparu et le poulpe a bien dégusté.
Pendant ce temps, Julien a remonté un joli thon jaune : enfin une prise !
 
Il remet les 2 lignes à l'eau, plein d'espoir. Mais elles s'emmêleront entre elles une première fois, puis une 2ème fois de façon irrémédiable. Julien sera bien occupé pour les remettre en état.
Côté vent, il ne se calme pas comme prévu et nous commencerons la nuit avec le génois et la grand-voile à 1 ris. Pas d'école aujourd'hui : ça remue trop pour tout le monde.
18h : le point : 175 M parcourus.
Vers 23h, à la relève de quart, nous avons échangé le génois contre le petit spi : le vent a baissé entre 15 et 20 kt.

Dimanche 6 octobre :
Quand je prends le quart, nous sommes presque travers NIUE que nous frôlons par le sud. C'est une grande galette toute plate : aucun relief qui dépasse. Elle fait penser à Marie-Galante, côté falaises. Nous ne nous arrêterons pas : les Tonga ne sont plus très loin maintenant. Nous croisons un bateau (visible AIS mais juste un halo sur l'horizon visuellement).


Le vent est toujours Est-Sud-Est (donc 3/4 arrière) établi à 20 kt. Restent 250 M à parcourir : encore 2 nuits et nous serons (ENFIN !!!) arrivés. Les filles ont toujours le moral et s'amusent entre elles.
Vers 13h, de nouveau, les poissons nous attaquent. Comme hier, la canne à pêche relâchera sa proie et la ligne de traîne nous ramènera un joli thon. Julien, éternel insatisfait, aurait préféré une dorade ...

En fin d'après-midi, on attend toujours que le vent baisse ... et finalement, les rafales atteignent les 30 nds. Lotus avance à 9/10 kt ... mais on craint pour notre petit spi et on l'affalera pour le remplacer par le génois.
18h : le point : 173 M parcourus. Il en reste autant.

Lundi 7 octobre :
La nuit a été ventée et le matin l'est encore : toujours des rafales jusqu'à 28 kt, une mer agitée. Le vent est Est, Sud-Est : pour que notre génois tienne, nous ne sommes pas en cap direct. Il faudrait que le vent faiblisse pour pouvoir faire cap direct avec le petit spi ... mais il se maintient. Les vagues claquent sur la coque et parfois éclaboussent intégralement le siège de barre et le cockpit : Julien est dans son élément ... pas moi. Le calme des lagons polynésiens me manque déjà !
9h : nous allons devoir tirer un bord. Il reste environ 80 M à faire : trop pour espérer arriver dans de bonnes conditions ce soir. Une dernière nuit en mer se profile.
L'après-midi, le vent se maintient toujours 25/30 kt ; la mer est agitée. A midi, c'est, comme hier, thon au menu, en salade de riz cette fois. Je retarde un peu ma sieste de l'après-midi : chaque fois, je suis réveillée 20 minutes après parce qu'on a attrapé un poisson ! A 14h30, toujours rien : je vais m'allonger et 30 minutes plus tard, Violette m'appelle : un poisson !! 
Et quel poisson : une belle daurade qui a eu la bonne idée de mordre le leurre de la ligne de traîne et non celui de la canne à pêche : Julien réussira à la remonter en bataillant un peu. D'ailleurs on ne remettra pas la ligne à l'eau : entre les poissons et les bananes, le congélateur est plein !


16 h : le poisson est vidé, nettoyé, découpé en filets et Julien finit de nettoyer la jupe : pêcher, c'est aussi ces à-côtés moins séduisants. Sur ce plan là, je ne suis d'aucune aide ; je reste même loin parce que l'odeur de poisson et mon mal de mer ne font pas bon ménage. Heureusement, Julien s'en sort comme un chef et il est heureux : il l'a eue sa daurade !! (Bon, il a quand même grogné parce qu'une vague a balayé la jupe et lui a trempé les baskets)
Côté navigation, on a toujours 2 ris à la GV et un peu de génois roulé.. Nous visons le nord du groupe d'îles, à 45 M. Nous n'allons pas ralentir et essayer de mouiller à l'abri de la première île, de nuit.
18h : le point : environ 160 M parcourus, avec un bord.
La météo n'est pas avec nous : il a fait maussade toute la journée avec de la bruine et on n'a pas vu le soleil ! Nous qui espérions arriver avec une belle lune ... Faute d'y voir assez, nous irons sur un mouillage conseillé par un des guides officieux des Tonga que nous avons récupérés. Mouillage par 10 m de fond, qui s'avèrera rouleur au petit matin. Qu'à cela ne tienne, nous levons l'ancre le matin pour aller faire les formalités.

Arrivée aux Tonga : 2h du matin le mardi 8 octobre et en fait, le mercredi 9 octobre à 1h du matin puisque nous avons croisé la ligne de changement de date et que nous devons reculer d'une heure par rapport à la Polynésie Française.


Bilan de la navigation : 3 beaux poissons ; 1367 milles parcourus ; 9 jours et 8 heures ; une moyenne de 6,1 kt (avec 2 beaux jours de pétole au milieu) ; 45 minutes de moteur (sortie du lagon de Tahaa et mouillage aux Tonga).

La minute culturelle : LES TONGA
Le pays est réparti en trois archipels principaux comportant plus de 170 îles et îlots :
- le groupe Tongatapu (au sud)
- le groupe Vavaʻu (au nord)
- le groupe Haʻapai (au milieu). 
Le groupe de Ha’apai est composé de 68 îles et îlots, les deux plus importantes étant les îles jumelles de Lifuka et Foa. La capitale et principale agglomération de Ha’apai est la ville de Pangai, sur l'île de Lifuka. C'est celle-ci où nous allons faire les formalités d'entrée.
C'est un royaume indépendant membre du Commonwealth. La langue du pays est le tongien, mais 90 % de la population est en mesure de s'exprimer en anglais.
Le pa’anga (TOP) est la monnaie du royaume des Tonga. 1 euro = 2,5 TOP

Dernière minute : 
Nous avons internet depuis le bateau grâce à un abonnement DIGICEL : la carte SIM et 15 Go d'internet pour 1 mois, 25 euros environ ! Rien à voir avec les tarifs en Polynésie Française. Nous attendions Appel d'air : en fait, il est arrivé un jour avant nous dans l'archipel Nord des Tonga. Ils se sont déroutés pour pouvoir faire soigner Seb à l'hopital du groupe Vava'u : il s'est cassé un doigt pendant la traversée ! Bon, on les attend ou on les rejoint ? 

1 commentaire:

  1. Et bein mes pauvres vous n'avez pas eu une superbe météo. Nous sommes contents de savoir que vous allez bien. Gros bisous de Tercis. Les Cazaux Lanusse

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